La protection des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse. Deux juges d’instruction de Lille semblent avoir oublié, doux euphémisme, ce principe édicté de longue date par la Cour européenne des droits de l’homme. L’Association confraternelle de la Presse judiciaire ne réclame pas de privilèges pour les journalistes. La liberté d’informer n’en est pas un; elle est un fondement essentiel dans une société démocratique. Ces deux magistrats, saisis de violations du secret de l’instruction en marge de l’affaire DSK/Carlton, ont fait savoir au parquet de Lille qu’ils envisageaient d’obtenir les factures téléphoniques, les fadettes, de plusieurs journalistes pour connaître leurs sources. Ce secret primordial est mal protégé par la loi du 4 janvier 2010. L’atteinte à ce secret n’est justifiée que par un “un impératif prépondérant d’intérêt public” et “les mesures privilégiées sont strictement nécessaires au but légitime poursuivi”. Dans le cas présent, où est l’impératif prépondérant d’intérêt public qui justifierait une telle mesure? La démarche des juges est d’autant plus étonnante que le ministère de la Justice s’apprête à présenter au Parlement un texte, plus protecteur, sur le secret des sources. La violation de ce secret ne serait autorisée que “pour prévenir ou réprimer un crime ou une atteinte grave à la personne”. L’Association confraternelle de la Presse judiciaire souhaite que ce texte, promesse du candidat François Hollande, puisse être adopté dans les meilleurs délais. Comme elle l’a fait dans l’affaire des fadettes du Monde, elle n’hésitera pas à soutenir les poursuites judiciaires que pourraient intenter les journalistes concernés.