En 2012, le candidat François Hollande promettait un nouveau texte renforçant la protection du secret des sources des journalistes. Trois ans plus tard, non seulement le projet de loi promis est enterré, mais un amendement au projet de loi Macron, catastrophique pour la liberté d’informer, est sur le point d’être adopté par le Parlement. Il instaure un nouveau délit : l’interdiction de violer le secret des affaires (1). La droite en rêvait. La gauche va le réaliser. Quoi qu’en disent ses rédacteurs, ce nouvel outil législatif sera une arme redoutable entre les mains de dirigeants de grands groupes industriels pour étouffer dans l’œuf toute enquête journalistique sur les dessous des affaires. Cette arme non conventionnelle risque d’être censurée par la Cour européenne des droits de l’homme car contraire à ses principes fondamentaux du droit à l’information. Mais combien de journalistes ou de lanceurs d’alerte auront-ils été condamnés entre temps ? C’est à se demander si le gouvernement ne souhaite renvoyer le journaliste « chien de garde de la démocratie », selon l’expression de la CEDH, à la niche de la communication institutionnelle. Dans une société démocratique, la liberté de la presse et le droit à l’information sont incompatibles avec une procédure totalement secrète, que ce soit le secret de l’instruction ou le secret des affaires. L’Association de la presse judiciaire demande aux élus de la Nation de ne pas voter ce texte indigne d’une démocratie mais d’adopter au plus vite une loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes. Un secret qui, rappelons-le, n’est pas le privilège d’une profession, mais une condition nécessaire de la liberté d’informer.

(1) Si l’amendement est voté, le juge pourrait interdire la diffusion d’une enquête et même punir de trois années de prison toute personne qui aurait révélé des informations « qui ne présentent pas un caractère public », qui constituent un « intérêt commercial, financier ou concurrentiel de son détenteur » ou qui font « l’objet de protections raisonnables pour en conserver leur caractère non publié ». La peine peut même être portée à sept ans de prison si l’infraction est « de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou aux intérêts économiques essentiels de la France ».